dimanche 23 décembre 2018

Survivre dans des conditions extrêmes grâce à la musique. Survive in extreme conditions thanks to music.

José-Daniel Touroude
Le célèbre violoncelliste Maurice Maréchal (1892-1964) dans les tranchés
avec son célèbre violoncelle le "Poilu" fait en bois de caisse. 
Après le précédent article sur les problèmes de santé qui nuisent à la vie de musicien et le recours à la médecine et à la pharmacie pour rester en forme car comme toute personne sur scène (artistes divers, politiques…) il faut être constamment au top, voici un des nombreux exemples qui permet de constater que la musique peut sauver des vies dans des conditions peu supportables.  
Pour lire : La médecine au secours des musiciens.

Les conditions extrêmes sont des moments où l’homme est privé de liberté et est en souffrance à cause des autres (par exemples les dangers de la guerre, l’exil, la peur de la mort, la prison ou par un handicap physique ou psychique, l’hôpital avec des maladies et traumatisme divers.  La musique sert alors à s’échapper d’une vie insupportable, un soutien dans les épreuves, un moyen salvateur contre la dépression, la maladie psychique. Comment organiser sa survie dans un environnement malsain ou absurde ? Les exemples sont nombreux mais je choisirai puisque nous avons fêté le centenaire de l’armistice de 1918 un exemple riche d’enseignements peu connu. Jusqu’au moment de la célébration de l’armistice de 1918 et de l’enfer qu’ont vécu des millions d’hommes, la vie des musiciens a été également bouleversée. 
Militaires américains : Un moment de détente avant le prochain assaut.  
D’abord de nombreux artistes sont morts et d’autres furent mutilés mais certains ont réussi à survivre grâce à la musique. Ainsi quand le violoniste soliste international Lucien Durosoir, célèbre avant la guerre, fut obligé de quitter son Guarnérius pour la baïonnette dans les tranchées. Face à la mort qui l’attendait la musique le sauva car il fut reconnu par son colonel qui l’avait entendu à Pleyel 2 ans avant (comme nous l’indiqua son fils Luc Durosoir) et avec le célèbre Caplet (1er prix de Rome devant Ravel ! et ami de Debussy qui tenait l’alto), le jeune Marechal qui sauva sa vie aussi grâce à ses talents de musicien et qui fut plus tard un des plus grands violoncellistes et professeur au conservatoire de Paris (son violoncelle fabriqué sur le front avec une caisse de munitions ! «dénommé le poilu» trône actuellement au musée de la Villette) et  le pianiste Magne puis ponctuellement d’autres musiciens professionnels, ils montèrent un orchestre… Beaucoup de musiciens devinrent ainsi brancardiers (ce qui était une tradition depuis les armées royales pour les musiciens ) 


«Les musiciens du général« furent protégés par le général Mangin qui lors des moments de répit devaient organiser des concerts pour lui et son état major, parfois pour la troupe (quoique les quatuors de Beethoven ou la musique contemporaine française ne faisaient pas vibrer la troupe selon les lettres de Durosoir et de Marechal !). La musique de chambre «aristocratique et bourgeoise» pour les officiers, les chansons à boire pour le peuple. («en jouant les tziganes«  dira Caplet (il était loin du Boston Symphony ou du Covent Garden de Londres !). Mais la variété des styles de musique selon les classes sociales est un autre sujet. Une question dérangeante: les musiciens moins talentueux ne furent pas épargnés et les instruments à vents d’harmonies et de fanfare (même des prix de conservatoires) n’eurent pas le même traitement que les instruments «nobles» de la bourgeoisie…. A méditer.


Grâce à la musique ces musiciens d’exception en faisant la guerre étaient privilégiés car pas considérés comme de la chair à canon et purent sauver leurs vies . Et la musique transcendait la haine car près des tranchées il jouait de la musique allemande du 18 et 19ème siècle du grand répertoire. (malgré Caplet qui faisait découvrir à ses amis les harmonies révolutionnaires françaises de Debussy, Ravel, Chausson, Satie etc.. ).



En face dans le camp allemand le grand compositeur Hindemith (bien connu des clarinettistes chambristes) regroupera aussi des musiciens professionnels et fera la même chose, c’est à dire des répétitions et des concerts à chaque moment libre pour s’échapper de l’horreur et soutenir le moral des autres.Tous élargissent et diversifient leur répertoire, avec une rigueur de professionnels entre les bombardements,  «la musique nous a désabrutis, c’est notre protection pour ne pas revenir à l’état sauvage des autres combattants, la guerre détruit l’âme et pour échapper à ce danger et à tous les dangers aux découragements, à la promiscuité, à la faim, la soif, la boue, la violence …l’art peut sauver, c’est l’oxygène de survie écriront –ils.


















Les musiciens inversent aussi la hiérarchie militaire le temps d’un concert. Le simple soldat-musicien assez méprisé par la hiérarchie devient le musicien star–soldat que les gradés applaudissent ! La musique a permis de traverser les épreuves mais après la guerre Durosoir ne put rejouer et composa. D’autres musiciens comme des millions d’hommes furent handicapés : cf le concerto de Ravel pour la main gauche, certains facteurs modifièrent  les instruments.  
Orchestre de musiciens invalides.


















Lors de la seconde guerre mondiale, les musiciens ont pu s’échapper mentalement aussi des conditions atroces des camps de prisonniers (rappelons Clara Askil rejouant les concertos de Mozart sur une planche détournée en piano muet l en camps de concentration, ou Olivier Messiaen composant le quatuor pour la fin du temps qui a fait transpirer nombre de clarinettistes !) ou plus dramatiquement les musiciens du camp de Terezin. (il y a eu un concert récemment en Israël avec des instruments restaurés  à cordes tirés des camps de concentration).
Clarinette mi bémol de Zalud à Terezin


La musique permet aux musiciens de tenir, de s’échapper mentalement mais aussi de donner de l’espoir aux autres. Nous pouvons le voir dans les prisons (une expérience vraiment particulière) et en fait dans tous les lieux où l’homme est privé de liberté et souffre, la musico thérapie en hôpital…Le musicien (comme l’intellectuel qui a une pensée libre malgré les contraintes) peut s’échapper des contingences et s’ennuie rarement car il possède la musique en permanence dans sa tête, et s’il est enfermé ou vit dans des conditions extrêmes, il se remémore ou crée des concerts, improvise, compose et dès qu’il peut rejouer son instrument, l’objet aimé et une musique qu’il affectionne, l’environnement ne compte plus. Bien sûr la musique est fondamentale pour sortir momentanément de l’handicap , pensons à Ray Charles aveugle, à Beethoven sourd, mais aussi aux malades psychiques  (Glen Gould autiste) et à la musicothérapie désormais bien implantée dans la psychiatrie moderne.  





jeudi 20 décembre 2018

BUFFET CRAMPON : Jean Louis BUFFET (1813-1865). Créateur de la Marque Buffet Crampon.


(Article paru en 2009 et mis à jour en décembre 2018)
Préambule : Je n'ai pas l'intention de traiter dans cet article l'histoire de la famille BUFFET, mais simplement d'essayer de faire "un peu de clarté" dans la période complexe de 1830 à 1859, avant "l'installation de la Maison Buffet Crampon et Cie". C'est également l'arrivée de la nouvelle flûte Boehm et de toutes les conséquences qui en découlent. A l'origine je souhaitais faire un petit article sur une flûte de ma collection, de Buffet Crampon, avec un système 32 hybride amusant, et j'avais beaucoup de mal à m'y retrouver dans les nombreux articles qu'y existent, entre les "Louis, Jean Louis, Auguste, les jeunes, fils, aîné etc....".
Donc si vous trouvez des erreurs, des oublis et que vous voulez corriger, modifier, illustrer, ajouter, compléter......ou que que vous avez des marques complémentaires...Vous êtes bienvenue.
Donc à l'origine "était le père": Denis BUFFET (Buffet Auger) né le 28 juillet 1783 à La Couture, dans une famille de tourneurs. Son père Claude BUFFET était en 1789, journalier et sa mère Marie Louise DELERABLEE. Plusieurs de ses frères seront également luthiers.
Denis BUFFET épouse le 18 juillet 1808 à La Couture, Marie Anne AUGER fille de facteur d'instruments de musique à La Couture. (Voir l'article de Denis Watel : Larigot N° 44 de septembre 2009). Il se serait installé vers 1825 à Paris au 18 passage du Grand Cerf. D'autres auteurs (New Grove Dictionary) situent son arrivée à Paris vers 1830. Nous penchons plutôt pour la seconde hypothèse, car il ne figure pas en 1830 dans le "Bottin de Paris", mais apparaît en 1832 (1831?) à cette adresse mais sous le nom de Buffet et non Buffet Auger. La marque situé en tête de l'article : Étoile/Buffet A Paris/Étoile. correspond à cette période. Le Langwill signale deux marques qui pourraient être également de cette période:
Lyre/D. Buffet A Paris et Étoile/ Buffet Aîné.
Denis BUFFET (Denis Auger)
(Le Livre d'or de la clarinette Française)














Sans doute la marque de l'association de certains
frères BUFFET à la Couture avant l'installation
à Paris


Son fils Jean Louis BUFFET (Buffet Crampon) est né à La Couture le 18 juillet 1813. Il épouse le 5 janvier 1836 Zoë CRAMPON (1815-1873). En 1838, le "Bottin parisien", signale deux adresses pour ces facteurs : "BUFFET Fils, flûtes, clarinettes, flageolets ; magasin de tous instruments, passage du Grand Cerf 18 et BUFFET AUGER, flûtes, clarinettes, flageolets, raccommodages à des prix modérés, commission en province et à l'étranger, rue Montmartre, 70".
En 1840 (1841?) toujours deux adresses, mais celle de "BUFFET AUGER a changée : flûtes,clarinettes, flageolets, rue Boucher 12".


Que c'est il passé entre le père et le fils ? Extension d'activité ? (mais le père (55 ans) : laissant la place au fils ce n'était pas courant à l'époque). Remariage ?, Rupture.....En tout cas ils voulaient faire une différence au niveau des marques : Buffet Fils A Paris et "Visage en gloriole/ BUFFET AUGER/ A PARIS/ Etoile" 

Première marque BUFFET-CRAMPON  (1841-1852)

Le 24 septembre septembre 
1841 Denis BUFFET (Buffet Auger)  décède à Paris à l'âge de 58 ans. En 1842 le Bottin signale toujours deux adresses mais pour la première fois apparaît : " BUFFET CRAMPON, flûtes, clarinettes, flageolets, hautbois, bassons et magasin de tous les instruments de musique, fait la commission, passage du Grand Cerf N°22".
Donc la première marque : Lyre/Buffet Crampon A Paris dans un ovale/BC entrelacés est apparue fin 1841, début 1842, pour faire la différence avec Buffet Auger ? Car en 1842 figure toujours : " BUFFET AUGER, flûtes, clarinettes, flageolets, rue Montorgueuil 55". Sans doute un problème de succession, parce que Buffet Auger n'apparaît plus dans le Bottin de/et après 1844. Notons que le magasin du passage du Grand Cerf, passe du 18 au 22.
De 1844 à 1852 : l'adresse Buffet Crampon reste la même. A signaler la participation aux expositions de Paris en 1844 : (piccolo de Boehm, flûte, flageolet, clarinette) et 1849 (flageolet, flûte mixte, hautbois), la prise d'un brevet en 1845 pour une "amélioration de la clarinette", très proche de celui obtenu par son oncle Auguste BUFFET (Buffet Jeune).
Pour les brevets Buffet de cette période concernant la clarinette : Voir le Blog de Denis WATEL
Pour la flûte, nous reviendrons sur ce point dans un prochain article, pour présenter notre flûte système 32 (peut être un modèle voisin de la "flûte mixte" présentée en 1849).

Flûte système 32 mixte de Buffet Crampon. (Coll. RP)
En 1850 il s'associe avec son frère Louis BUFFET (né à Anet le 10 mars 1823) et Ferdinand TOURNIER   Ils ouvrent la même année un atelier à Mantes la ville. En 1851, Louis Buffet quitte l'association pour créer sa société Louis BUFFET et Cie. Il est remplacé par Jean Pierre Gabriel GOUMAS né le 2 janvier 1827 et qui était le mari d'une nièce de Buffet Crampon.













P. Goumas devient associé de Buffet Crampon et de Tournier en 1855. A la suite du départ de Tournier en 1859, ils forment une nouvelle société avec un nouveau membre, Marthe Adolphe LEROY : 
BUFFET CRAMPON et Cie.
Jean Louis BUFFET (Buffet Crampon) décède le 17 avril 1865 à Mantes la Ville, à l'âge de 52 ans.























La suite est une autre aventure : L'Histoire de BUFFET CRAMPON

PS : Différentes adresses du frère de Jean Louis Buffet (Buffet Crampon):
Louis BUFFET et Cie : 1852 : Buffet, 1 quai Saint Michel. 1855 à 1861 : Louis Buffet 55 rue de Ponceau. 1861 à 1863, 110 rue Vieille du Temple. 1863 à 1865 : Louis Buffet et Cie, 21 rue Volta.

dimanche 9 décembre 2018

BOSSARD-BONNEL marchands de musique à Rennes. Music Dealer in Rennes.

Qui ne connaît pas cette jolie affiche de Lotti, de la Maison BOSSARD -BONNEL de Rennes et de Rouen.

"J'ai donc voulu en savoir un peu plus sur cette grande Maison Rennaise...." Voilà ce que j'écrivais il y a dix ans sur Bonnel dans ce blog, depuis de l'eau est passé sous le pont et beaucoup d'informations et de documents circulent sur la toile en particulier sur le site de Roland Terrier, luthier à Mirecourt pour qui tout ce qui concerne la généalogie des luthiers de Mirecourt n'a pas de secret. Le site de Roland Terrier.
Et de plus j'ai pu acquérir à la dernière vente de Vichy une dizaine de fers à marquer de cette Maison. 
Fers à marquer les instruments de la Maison Bonnel
Marques de ces fers.
Il était donc grand temps de revoir notre article.

Comme de nombreux marchands de musique en France, la famille BONNEL trouve ses origines dans les Vosges, non loin de Mirecourt, dans le village de Dommartin-sur-Vraine. Et bien sur, dans cette famille il y avait des luthiers. Ce sont donc deux frères, Nicolas BONNEL (1795-?) qui s’installa d'abord, comme luthier et marchand de musique à Rouen en 1827, au 50 rue de la Ganterie, puis vers 1843 Joseph Pierre BONNEL (1799-1870) qui fit de même à Rennes. 
Etiquette de guitare de Bonnel Frères à Rouen VERS 1835
Les deux frères exerçaient ensemble à Rouen comme le prouve l'étiquette de guitare ci dessus : "A la renommée du bon marché, Rouen Rue Ganterie N°50, Magasin de Musique et d'instruments : BONNEL FRERES"

Nicolas fit venir pour l'aider des luthiers de sa famille comme son cousin François BRUGERE dit Malakoff (1825-1875). Il restera à la tête de la Maison Bonnel de Rouen jusque vers 1860. On pouvait lire dans le Bottin à cette date : " BONNEL Jeune, successeur de BONNEL Aîné, musique et abonnement, location de pianos, orgues et autres instruments". La succursale de Rouen restera très longtemps en activité.   
Annuaire commercial de 1847.











Si Nicolas BONNEL resta célibataire, Pierre Joseph BONNEL épousa Catherine Thérèse THÉVENIN (1800-1883) le 18 mars 1829 à Domvallier dans les Vosges. C'est dans le village natal de C.T. Thévenin que naîtrons les quatre premiers enfants du couple :  Anne Thérèse BONNEL (1829- ?), c'est elle qui est à l'origine de la branche BOSSARD, Charles Nicolas Joseph BONNEL (1831-1879), Charles Joseph Emile BONNEL (1835-1891), Armand Joseph Alphonse BONNEL (1839-1885). Ces trois fils luthiers resterons célibataires. La dernière fille Thérèse Clémentine BONNEL (1843-1897) naîtra à l'installation de la famille à Rennes. Car Pierre Joseph Bonnel, marchand d'instruments de musique ne devait pas être souvent présent à Domvallier avec sa famille car au trois naissance de ses fils, il est déclaré " absent depuis plusieurs mois". Cela s'explique par sa présence à Rouen depuis 1831.
Étiquette d'une guitare de HUEL à Rennes.
Guitare Bonnel Frère à Rouen.
Néanmoins à la naissance de leur dernière fille en 1843, toute la famille est réunie au 3 rue Royal et Joseph DEMARNE, 33 ans luthier est témoin. Pierre Joseph succède a Henri HUEL, luthier lui aussi né à Mirecourt en 1742. Élève de René LACOTE et passé par Paris H. HUEL était installé à Rennes.
Annonce publicitaire de 1779.
Le commerce de musique va vite prospérer, animé par le père et ses trois fils. 
Étiquette d'un violon réparé par Bonnel à Rennes.
Facture de 1873


Mais le père, Pierre Joseph BONNEL décède le 22 septembre 1870 à 71 ans. C'est le fils Emile BONNEL, habile luthier qui continuera la tradition et assurera la prospérité de cette grande Maison de Rennes, particulièrement  au niveau de la lutherie. Il fera venir de grands luthiers de Mirecourt avec qui il collaborera comme Charles Basile CLAUDOT (1824-1887), passé déjà par Rouen en 1852 avant son séjour à Paris et son installation à Rennes où il décéda, ou l'archetier Auguste LENOBLE  (1828-1907).    



















Violon d'Emile BONNEL vers 1883.
Les deux autres frères Charles Nicolas et Armand Joseph tous les deux luthiers collaboraient avec leur frère, mais Charles Nicolas décède à 48 ans le 26 décembre 1879,  puis c'est Armand joseph qui disparaît à 45 ans le 7 mars 1885. Il est a noter que lors de ces décès les témoins sont le  beau frère, Ernest PICARD (1842-1897), époux de Thérèse BONNEL, et le neveu Louis Joseph BOSSARD (1850-1856) qui était déjà impliqué dans l'entreprise car en 1879 il est Marchand d'instruments de Musique puis négociant en 1885.
Marque d'un piano
Mais avant tout la Maison Bonnel vendait tous les instruments et en particulier des pianos qu'ils faisaient réalisés et y apposaient leur marque, où représentaient les grandes marques comme Erard, Pleyel. Ils avaient un atelier spécifique pour réparer et entretenir ces pianos et avaient plusieurs accordeurs qui sillonnaient la Bretagne et la Normandie. 


Tambour (sans doute fournit par la Maison Gautrot de Paris)
portant la marque de Bonnel à Rennes
On peut reconnaître dans cette marque, l'empreinte de deux
fers achetés à Vichy. (Voir ci-dessus)
Pour les instruments à  vents la Maison BONNEL travaillait principalement avec la Maison GAUTROT de Paris qui deviendra ensuite COUESNON, aussi bien pour les bois et les cuivres..














jeudi 1 novembre 2018

La famille DIDIER : La Saga d'une famille de luthiers Messins (Metz en Moselle)

Notre ami Jacques DIDIER  nous a quitté le 30 août 2018 
à Woippy (Banlieue de Metz) à 79 ans.


Vous allez découvrir à travers cet article qui était Jacques DIDIER, troisième d'une génération de luthiers : Son Grand père Marius DIDIER (1873-1958) exerça à Mattaincourt à coté de Mirecourt, son père Paul DIDIER (1908-2002) s'installa à Metz, Jacques prit la suite avant de passer le flambeau à son fils Bertrand DIDIER.  

Notre rencontre fortuite  en 2004 mérite   d'être racontée. Ma belle famille possède depuis 1800 une maison familiale dans un petit village lorrain de 50 habitants : Bellange en Moselle situé à 10 kms d'une ville plus importante, Morhange, ville de garnison qui en 1914 était un point essentiel de la défense allemande, et que l'armée française, dès la déclaration de guerre avait attaqué le 18 août 1914, la fleur au fusil, pantalons rouges et sabres au clair .....en avant "sus aux Boches, on les aura". Naturellement le résultat de cette brillante stratégie ne se fit pas attendre : 20000 morts en une journée d'attaque. Notre maison de Bellange servit d’hôpital de campagne, tenu par un médecin militaire qui rédigea ses mémoires résumant cet épisode. Ce document dactylographié retrouvé par hasard dans la maison me donna l'occasion de découvrir le sujet et de comprendre pourquoi il y avait quelques cimetières militaires dans la région. Bien sûr cette épisode peu glorieux  fut zappé au niveau historique et rangé au niveau des anecdotes et remplacé par une "victoire" qui eut lieu quelque temps plus tard lors de la contre-attaque allemande, bataille dite du "Grand Couronné". Un seul bouquin racontait cette bataille dite :" de Morhange" écrit par un certain Jacques DIDIER. 
Le but du moment était de lui remettre les mémoires "du Docteur Pratbernon" que j'avais remises en forme, document inédit à l'époque pour qu'il en fasse bon usage. Pour ma part, mon intérêt était plus tourné vers les "Facteurs, luthiers, marchands de musique de l'est de la France" sur lesquels je travaillais ardemment. Bien sûr le nom de Didier, luthier à Metz  figurait  dans mes recherches, mais je n'avais pas fait le rapprochement. Vous imaginez la suite, lors de notre première rencontre téléphonique, il connaissait mon père qui toujours préoccupé de trouver le violoncelle ou le violon "idéal" pour mes deux sœurs musiciennes professionnelles passait souvent le voir. Depuis nous nous sommes rencontrés fréquemment et son aide à été très précieuse sur les nombreux sujets qui nous intéressaient.

Jacques nous avait raconté sa saga familiale et nous avait fourni de nombreux documents pour l'illustrer dans quelques articles rédigés dans nos blogs. Les voici remis en forme. 

Marius DIDIER (1873-1958) : le fondateur est né à Mattaincourt le 20 avril 1873. Il entre en apprentissage chez Jérôme Thibouville Lamy à Mirecourt à 13 ans. En 1901 il épouse Marie Marthe Bourguignon ; ils auront deux enfants : Madeleine et Paul.
Document Jacques DIDIER.
Après avoir participé à la grande guerre de 1914 à 1918, il rejoint l'entreprise Thibouville où il participe à la réorganisation d'après-guerre et exerce sa profession de maître luthier, au côté de Camille Poirson et Marcel Voiry. Alfred Acoulon, directeur général lui confie le poste de responsable de l'atelier de lutherie de Mirecourt et fait de lui un de ses proches collaborateurs.
Document Jacques DIDIER.
En 1925, à l'âge de 52 ans, il décide de s'installer dans son atelier de Mattaincourt pour exercer la lutherie à son compte en compagnie de son fils Paul.
Document Jacques DIDIER.
Il accueille dans son atelier des stagiaires qui deviendront des luthiers prestigieux (Jean Bauer, Marcel Simon etc...). Son fils Paul décide de s'installer à Metz. L'atelier de Marius DIDIER continue son activité, malgré la crise des années 30 et la guerre 39-45. A la libération, âgé de 72 ans, il continue d'assurer une production qu'il réserve à son fils. Il décède en novembre 1958.
Violon de Marius DIDIER de 1932.
Paul DIDIER (1908-2002) luthier, de Mirecourt à Metz.

Document Jacques DIDIER.

Paul DIDIER est né le 15 janvier 1908 à Mattaincourt (Vosges). Il effectue son apprentissage à partir de 1921 chez Thibouville, auprès de son père qui était à cette époque responsable de la fabrication. En 1925 il fait un stage chez Ouchard, et ensuite travaille dans l'atelier de son père à Mattaincourt jusqu'en 1928 date à partir de laquelle il effectue son service militaire jusqu'en 1929. Il retrouve ensuite l'atelier de son père. Il se marie en 1933 et décide en 1936 et en accord avec son père de reprendre l'atelier et le magasin : "Lutherie d' Art" du 6 rue du Faisan à Metz, créé par Auguste Mouchot, qui venait de décéder en se noyant accidentellement dans la Moselle ; la famille était désemparée, la veuve avait un fils d'un an et ne pouvait s'occuper de ce commerce. A la déclaration de guerre Paul Didier est mobilisé et son épouse qui vient de donner naissance à un fils ne peut tenir seul le magasin qui est alors fermé. Paul est fait prisonnier le 17 juin 1940 à Pontarlier. Il ne rentrera à Metz qu'en août 1945.

Document Jacques DIDIER.
En 1941, Metz est occupé par les allemands qui font venir un luthier autrichien, Franz  NOSEK  et auquel le commissaire de la ville propose d'occuper le magasin de la rue du Faisan. Après 3 années à Metz, celui-ci disparaît en 1944, il est remplacé par Zophel RICHARD né à Markneukirchen.
Magasin de la rue du Faisan. (Doc. Jacques DIDIER)
En août 1945 à son retour de captivité, Paul Didier retrouve son magasin et l'appartement dans un triste état, tout a disparu, seul une partie de l'outillage lui sera rendu. Il se remet au travail, notamment en travaillant pour l'orchestre de Radio Luxembourg et en cogérant l'atelier de son oncle Maurice BOURGUIGNON (1885-1978) à Bruxelles.
Mais la lutherie ne suffit plus à faire vivre une famille, c'est pourquoi il étend son activité aux disques et oriente la formation de son fils Jacques vers les cuivres et instruments à vent. Celui-ci le rejoindra en 1962. Paul DIDIER est décédé à 94 ans en 2002.
Document Jacques DIDIER.
Violon de Paul DIDIER de 1838.
VIOLON MARIUS OU PAUL DIDIER ?

"Lorsque j’assistais mon père Paul Didier dans son activité de luthier à Metz, j’ai pu observer bon nombre d’instruments fabriqués par ses soins, ainsi que ceux de mon grand père Marius. Je dois dire que pour les identifier, il fallait être habitué tellement il y avait de similitudes dans le travail entre le père et le fils. Le fait de travailler dans l’atelier au même établi pendant les années de 1925 à 1936 justifie les concordances de la structure de leurs instruments. Ils utilisaient les mêmes moules et mêmes modèles. La couleur de vernis était propre à chacun. Lorsque le fils, jeune adolescent de 17 ans, commence à fabriquer ses propres violons, son père, ayant acquis une grande habileté dans ses gestes pendant plus de vingt ans chez Thibouville-Lamy, pouvait lui prodiguer les conseils nécessaires. Le modèle extra copie du violon Guarnerius, vernis à l’huile, fait par Marius avait les faveurs des professeurs et des musiciens. Pour le violoncelle extra, le professeur du Conservatoire national de Paris, Louis Feuillard, recommandait le modèle Stradivarius pour la qualité de sa lutherie et sa sonorité".

Jacques DIDIER

Jacques DIDIER  (1939-2018) et Bertrand DIDIER luthier à Metz. 

Jacques DIDIER avec son fils Bertrand.


Jacques DIDIER est né à Metz en 1939. Il apprend la clarinette au conservatoire de Metz et après plusieurs années de formation dans différents ateliers parisiens, notamment 2 ans chez Selmer, il rejoint en 1962 le magasin familial en créant un atelier de réparations d'instruments à vent. En juillet 1983, la Maison DIDIER quitte la rue du Faisan, pour s'installer 25-27 rue du Palais à Metz, adresse actuelle.

Bertrand DIDIER, dirige la société messine. Après avoir acquis son diplôme de luthier dans l'atelier de Jean Jacques Pagès à Mirecourt, il part se perfectionner dans l'atelier du maître Etienne Vatelot.




Pour en savoir encore plus sur la famille DIDIER : le site de référence sur les luthiers : Le site de Roland Terrier

Jacques a légué aux Archives un fond documentaire : Archives de la Lutherie à Mirecourt